Dans le monde feutré des transmissions d’entreprise familiale, il existe un tabou tenace : celui du fondateur ou du dirigeant qui veut absolument que son fils ou sa fille prenne la relève… même quand c’est une hérésie managériale. On le sait, on le voit, mais personne n’ose le dire. Pourtant, cette obstination peut tuer l’entreprise à petit feu, détruire les équipes, et provoquer un crash familial durable.
L’illusion du sang comme garantie de compétence
Pour beaucoup de dirigeants, la transmission à un enfant est une évidence. Un devoir. Une continuité logique. Mais la compétence ne se transmet pas par l’ADN.
Et vouloir imposer un successeur qui n’en a ni les capacités, ni l’envie, ni la posture, c’est prendre un risque considérable.
Certains cédants confondent amour parental et stratégie d’entreprise. Ils ne veulent pas “faire de peine”, “créer un conflit”, ou “désavouer la famille”. Mais cette loyauté mal placée peut transformer une entreprise saine en bombe à retardement.
Symptômes d’un mauvais choix de successeur
Voici quelques signaux d’alerte qui doivent alerter tout entourage avisé :
- L’enfant n’a jamais travaillé hors de l’entreprise familiale.
- Il ou elle est positionné(e) par défaut, sans réel projet ni vision.
- Il/elle est en opposition avec l’équipe, ne fédère personne.
- Les décisions sont prises à contre-temps, ou sous influence émotionnelle.
- Les chiffres déclinent mais le cédant reste dans le déni, justifiant l’injustifiable.
Les dégâts collatéraux : une triple casse
- Casse économique : perte de clients, démotivation des salariés, erreurs stratégiques.
- Casse sociale : démissions, climat délétère, isolement du successeur.
- Casse familiale : rancœurs entre frères et sœurs, procès en inégalité, rupture de confiance.
Que faire pour sortir de l’impasse ?
- Réaliser un diagnostic externe et objectif : Un audit stratégique et managérial du candidat successeur permet d’objectiver les choses sans jugement émotionnel.
- Ouvrir le champ des possibles : La transmission peut se faire à un autre membre de la famille, à un salarié méritant, à un associé, ou même à un tiers si c’est dans l’intérêt de l’entreprise.
- Accompagner le successeur s’il y a un potentiel latent : Coaching, formation, mentorat, codirection temporaire… permettent parfois de faire émerger une vraie compétence, mais cela doit être un choix assumé, pas une fuite en avant.
- Préserver la lucidité par le dialogue : Le cédant a besoin d’un cercle de vérité. Des personnes capables de lui dire ce que personne d’autre n’ose. Sinon, il ne lègue pas une entreprise, mais une dette.
En conclusion : mieux vaut assumer un choix difficile que léguer un échec
Transmettre, ce n’est pas faire plaisir. C’est prendre une décision pour l’avenir. Un bon cédant n’est pas celui qui choisit un nom, mais celui qui choisit un capitaine. L’entreprise n’a pas besoin d’un héritier symbolique. Elle a besoin d’un dirigeant compétent. Le vrai amour parental, parfois, c’est aussi savoir dire non.